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Vie polymorphe Blog de littérature contemporaine conçu et rédigé en français ou en anglais. Blog of contemporary literature conceived and drafted in English or in french ...

NEW PATCHWORK 11 / LE RIVAGE DES SYRTES, UNE GIGANTESQUE SCENE DE THEATRE

New Patchwork

Le Rivage des Syrtes, une gigantesque scène de théâtre

Pourquoi ne pas évoquer Julien Gracq, le dernier des Romantiques, en ce numéro 3 d'avril 2007 ? Rien ne nous en empêche en effet, pas même les élections présidentielles ou législatives… Et c'est vrai que dans des périodes comme çà, il peut prendre l'envie à quelque lectrice ou lecteur d'élever le débat des idées un peu plus haut… en tout cas quant à l'usage de la langue française, au style, et à la littérature.

Amorce banale de journalisme littéraire, pourrait-il être rétorqué. Oui, mais précisément, ce n'est point la réflexion que nous attendons d'une lectrice ou d'un lecteur averti… La question pertinente serait plutôt: pourquoi mêler Julien Gracq au théâtre, qui plus est au moyen de son roman le plus célèbre et le plus remarquable d'entre tous, Le Rivage des Syrtes ? Alors quelqu'un dira: après tout, puisque l'illustre Nicolas Sarkozy, candidat aux élections présidentielles de 2007, se permet sans vergogne de mêler la politique à la littérature, pourquoi ne pas mélanger roman et théâtre ?!

Dans le cadre de son seul et gigantesque monument de la littérature française moderne, Le Rivage des Syrtes, ce modeste Julien Gracq, qui a - comme tous les jeunes de vingt ans le savent à en croire le désormais célèbre François Bayrou - refusé le prix Goncourt, justifie le caractère singulier de son roman par la nature de récit poétique qu'il lui a sciemment conférée. Il y introduit un décor de théâtre qui se constitue par petites touches au fil de la description. De la sorte, Julien Gracq a fait du Rivage des Syrtes un livre trangenres; d'où l'idée d'imiter Aldo transgressant la frontière du Farghestan, et par un tour transpositionnel et métaphorique de procéder à une transgression des frontières des domaines génériques en élargissant le concept classifiant de roman à ceux de récit poétique ou de récit théâtral. Etablissons précisément en quelques lignes la preuve de ce décor théâtral.

Un des aspects majeurs du Rivage des Syrtes s'illustre par des processus actantiels d'apparition et de disparition des personnages du roman, qui incite à rattacher son univers singulier à celui de la mort. En effet, le thème global du roman n'est-il pas l'anéantissement d'une civilisation parvenue au terme de son agonie ? Oswald Spengler a écrit dans Le Déclin de l'Occident que " la civilisation est la victoire par laquelle la ville se libère du sol et se tue elle-même ". Il y a montré que c'est lorsqu'elles sont parvenues au point culminant de leur éclat que les civilisations s'écroulent.

Orchestration de la ville funèbre au bord de l'eau apparaît alors la Maremma des lagunes où l'on donne de grandes fêtes, mais qui ressemblent à des fêtes funèbres. Maremma rappelle Venise, qui est bien en effet l'archétype de " la ville morte ". On sait qu'elle a justement fasciné Thomas Mann puis Visconti dans La mort à Venise. Maremma est une ville qui, assoupie dans la mémoire de son glorieux mais très lointain passé, se mire au bord d'eaux mortes. En italien, Maremma signifie " bord de mer "; il renvoie dans cette langue à un nom propre. Il s'agit d'une région d'Italie, le long du littoral tyrhénien, en Toscane, allant de l'embouchure de la Cecina à Ortebello. Cette zone était autrefois marécageuse et insalubre.

En ce sens, les quatre dernier mots du roman Le Rivage des Syrtes sont: " … le décor était planté ". Au delà de l'exemple extrême de Maremma - Venise, c'est alors tout l'univers du Rivage des Syrtes qui apparaît comme un gigantesque scène de théâtre où se célèbrent somptueusement les noces de l'Amour ou du Désir, et de la Mort. Pour mourir, les civilisations choisissent leurs plus beaux costumes, comme ceux des candidats aux élections présidentielles de 2007 par exemple, et elles se maquillent de leurs fards les plus spectaculaires, à l'instar de Ségolène Royal ou Dominique Voynet. Le romancier Julien Gracq est le metteur en scène de ce spectacle: c'est la dernière représentation, soit, mais cela aura été la plus belle.

 

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